Pendant une période consécutive de plusieurs siècles (800-200 AEC), déjà en Eurasie, se produit une floraison ininterrompue de religions et de philosophies que Jaspers (1951b : 136-137) énumère : « En Chine… Confucius (551-479AEC), Lao-Tseu (6e-5e s. AEC), Mozi (479-381AEC), Lie Tseu (450-375AEC), Tchouang-Tseu (369-286 AEC) et une foule d’autres. »
D’ailleurs Cosandey (2007 : 421-422) précise : « Dernier effet – quelque peu paradoxal des guerres – les horreurs continuelles favorisèrent la diffusion à grande échelle d’une religion d’amour et de paix, le mohisme (Maître Mô ou Mozi)… qui prêchait une société égalitaire et même une sorte de fraternité universelle ».
Jaspers (1951b : 136-137) poursuit : « En Inde, on a l’hindouisme des Upanishad égalant 30 Bibles ». Il cite évidemment Bouddha. Ajoutons son contemporain, Mahâvîra qui revivifie le Jaïnisme. En fait, selon Jaspers, on a « toute la gamme philosophique : scepticisme, matérialisme, sophisme, nihilisme. »
Il regarde ensuite « En Iran où Zarathoustra enseigne une vision du monde exaltante, comme un combat entre le bien et le mal… En Palestine, où les prophètes font leur apparition, depuis Elie, en passant par Isaïe et Jérémie, jusqu’à l’Isaïe du Deutéronome ».
Jaspers termine avec les apports bien connus de la Grèce. Citons seulement Homère (8es.-7es.), Héraclite, Parménide, Socrate, Platon, Aristote. Sans oublier les auteurs tragiques, les historiens, les savants : Thalès de Millet, Pythagore,Archimède (287-212 AEC).
Si cette globalisation n’avait pas été faite, avant Jaspers (1954), c’est en raison d’une connaissance insuffisante de la situation gravissime de l’humanité à diverses périodes du 1er millénaire AEC.
Quand les décisions politiques deviennent extrêmes, la vie des humains « ordinaires », peut devenir tout à fait inhumaine. Cela, du fait des batailles meurtrières en temps de guerre. Mais, en temps de paix, il y a les travaux forcés surveillés par des gardiens armés, lors des constructions de murs ou des creusements de canaux.
Deux humanités opposées vont naître. L’une, politique et guerrière, sans pitié ; l’autre spirituelle, de sensibilité religieuse et philosophique, s’insurge contre la première, cherchant un autre destin aux humains.
Todd (2011 : 152) précise : on a constaté, qu’aux 4e et 3e siècles AEC, les guerres entre Huns et Chinois pouvaient « occuper jusqu’à 75% du temps. »
Le grand historien chinois Sima Qian (145-86AEC) qui écrit, entre 104 et 91AEC, nous rapporte la fin tragique de la bataille de Changping (260AEC). L’armée du royaume de Qin encercle toute l’armée de son pire adversaire : le royaume de Zhao. L’ordre vient, pour en finir vraiment, d’enterrer vivants les 400.000 prisonniers (Sima Qian, 2015, 2002).
Tout à fait ailleurs, dans l’Inde du nord, le 3e empereur de l’empire des Maurya, Açoka (304-232AEC) est tellement horrifié par la guerre meurtrière qu’il vient de mener au Kalinka, qu’il se convertit au bouddhisme et renonce définitivement à la guerre. Tolérant, il soutient aussi les autres religions et toute action opposée aux violences inhumaines.