Source : Les grandes orientations culturelles. Cours de formation à l’interculturel
II. Domaines et cultures
18e leçon : Les générations, les âges et les sexes
88. MASCULIN, FÉMININ DANS LES CULTURES NATIONALES. LE CAS DU JAPON
Masculin, féminin, il y a bien là, pour G. Hofstede, deux orientations culturelles opposées. Les cultures nationales tiennent davantage compte de l’une ou de l’autre. Pour lui, les valeurs féminines sont orientées vers ce qui est faible, ce qui demande protection, le petit (small is beautiful). Les valeurs masculines, au contraire, sont orientées vers ce qui est grand, vaste, voire géant (big is beautiful). Il est évident qu’il ne s’agit là que d’orientations dominantes et non de références exclusives. A partir d’un traitement de réponses à des questionnaires, Hofstede (1987) met en évidence les écarts entre indices de masculinité de cadres nationaux surtout masculins des filiales I.B.M. dans 53 pays. Les résultats obtenus sont loin d’être dépourvus de sens comme le montre la possibilité de classer les pays en cinq groupes.
- Au plus bas de l’indice de masculinité dont la moyenne est 49, on trouve les cadres IBM des pays les plus au Nord de l’Europe. Ceux où, à l’origine, les cultures communautaires valorisaient la fécondité : la Suède, 5; la Norvège, 8; les Pays Bas, 14; le Danemark, 16; la Finlande, 26 .
- Dans les pays diversement influencés par la forme sociétale royale-impériale chrétienne ou musulmane, l’indice de masculinité des cadres est proche de la moyenne ou supérieur : Espagne (42), France (43), Turquie (45), Brésil (49), Pays arabes (53).
- Les pays de cultures anglo-saxonnes relativement influencés par le puritanisme ont un indice de masculinité encore plus élevé : Canada (52), Nouvelle-Zélande (58), Australie (61), États-Unis (62), Grande-Bretagne et Allemagne (66).
- Enfin, les pays orientés par le catholicisme de la Contre-Réforme dépassent encore ces scores : l’Irlande (68), l’Italie (70), l’Autriche (79).
- Au delà, il n’y a que les cadres I.B.M. du Japon avec l’indice maximum de 95. Au début de la décennie quatre-vingt, la situation est encore très
traditionnelle au Japon. C’est la mère qui est responsable pour toutes les conduites de l’enfant. Les filles doivent le respect à leur frère.
Les médias de masse vont dans ce sens. Pendant tout l’été 1979, on pouvait entendre la chanson de Sada Masashi “Ton mari et Maître Ordonne” dont les paroles étaient : “Avant de devenir ma femme, écoute ceci, tu n’iras pas te coucher avant moi, tu ne te lèveras pas après moi; ne cuisine que de bons plats et sois toujours belle; tais-toi et tiens-toi derrière moi”. Le livre le plus vendu au Japon en 1982 était “Conseils pour être respecté” de Kenji Suzuki. On y lisait : “Lorsqu’un homme rentre du travail, sa femme devrait lui préparer des vêtements pour se changer, en l’accueillant par “bonsoir, bienvenue à la maison, tu dois être très fatigué !”.
En 1987, une loi fut cependant votée sur l’égalité des chances entre les sexes. En 1994, un Secrétariat pour l’Égalité entre les hommes et les femmes fut créé juste avant l’ouverture, en 1995 à Pékin, de la 4e Conférence mondiale des Nations-Unies sur les femmes . Tout cela fut relativement peu efficace dans le domaine du travail en entreprise d’autant plus que la crise économique a remis en cause les quelques progrès réalisés. Par contre sur la scène politique quelques progrès furent obtenus. Entre 1986 et 1999, les élues à la Diète passèrent de 3, 6% à 9,1 % ; les membres des Assemblées locales de 1,6 % à 4,9. Début 2000, pour la première fois, une femme fut même élue gouverneur d’une province.
Au plan domestique, une étude de 1996 a montré que dans les couples où les deux partenaires travaillent, le temps consacré par les femmes aux travaux ménagers et aux enfants étaient de 3 h 35 mn par jour. Le temps consacré par les hommes à ces mêmes tâches était de 7 minutes. C’est seulement en 1999 que les Japonaises ont obtenu le droit de se procurer la pilule. Il n’est évidemment pas question de remboursement.
En décembre 1999, le gouverneur d’Osaka, extrêmement populaire, fut cependant contraint à la démission après avoir été inculpé de harcèlement sexuel sur la plainte d’une étudiante de vingt et un ans qui faisait partie de son équipe de campagne électorale. Il fut condamné et dût verser 11 millions de Yens.
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Source : Formation à l’interculturel.
III. Relations et complexes interculturels du quotidien au mondial
21e leçon : Complexes intra et interculturels et sentiments xénophobes
104. UN DÉMENTI JAPONAIS CONCERNANT LE SÉRIEUX ALLEMAND.
Attention, les complexes intraculturels ne doivent pas être constitués en standards. Il n’y a pas pour les acteurs de déterminisme à strictement parler. Le sérieux caractéristique de la culture allemande est un renforcement de tendances entrelacées. Cela lui confère une réelle résistance mais il est cependant susceptible de variations importantes individuelles et collectives en fonction des situations et des stratégies. Ce sérieux peut s’affaiblir, se renforcer à nouveau mais non disparaître car il est lié à trop de données. Nous ne sommes pas dans un processus mécanique et automatique. Si l’une ou l’autre dimension du sérieux allemand s’affaiblit, cela peut engendrer des fluctuations, des transformations de ce sérieux non une disparition.
Bref un complexe intraculturel n’est pas un code qui s’applique c’est une réponse vivante que tous les acteurs contribuent à maintenir, à réduire, à transformer. Or, justement, dans une demi-page de “Die Welt”, le 28 juillet 1995, le consultant japonais Minoru Tominaga posait un diagnostic sévère concernant l’état du sérieux à l’allemande. Il écrit “les Allemands se contentent de récolter le fruit du travail des générations précédentes. Les choses ne pourraient s’améliorer que s’ils cessaient d’avoir peur du travail collectif et du changement”. Claude Chancel résume : “dans les entreprises allemandes, l’accueil de la clientèle et le suivi des dossiers laissent à désirer. On a les plus longs congés en relation aux temps de travail hebdomadaire les plus courts…aux charges salariales et aux salaires les plus élevés pour les champions du monde des congés maladie du vendredi ou du lundi”. Les Japonais avaient été surnommés “les Allemands de l’Asie” mais aujourd’hui “l’organisation du commerce et de la distribution est paralysante…la production manque de flexibilité. Les travailleurs, cadres en tête, ne s’impliquent pas assez dans le processus productif, lequel ne sait pas s’adapter aux besoins de la clientèle”. Claude Chancel conclut : “si cet entretien avec le consultant japonais n’était pas paru en plein été, sa présentation des Allemands – qui contredit des idées reçues – aurait eu, sur l’opinion allemande, l’effet peut être salutaire d’une douche glacée ”.