Word World (par Jacques Demorgon)

Auteur-Monde, Jack Goody est un anthropologue, historien britannique dont l’œuvre considérable est connue. Son ouvrage The Theft of History (Cambridge, 2006) est grâce à Fabienne Durand-Bogaert, traduit en français (Gallimard, 2010, rééd. 2015). C’est Le Vol de l’Histoire, sous-titré Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde ». Une opposition a été construite entre l’Orient et l’Occident, singulièrement entre Chine statique et dynamique Europe, mère du capitalisme.

Sources : J. Demorgon (2015) Complexité des cultures et de l’interculturel. 5e édition : Chapitre XI. Devenirs des cultures à l’échelle du monde. I. Centration sur l’Europe. Oubli de la planète et de l’homme. 

  • D’une histoire européenne à l’histoire planétaire… Goody
  • Contre Élias et Needham ? 
  • Contre Braudel ? 
  • La démocratie est-elle une invention grecque ?
  • Penser autrement le « despotisme oriental » (Wittfogel)
  • Anthropologie, histoire et géographie : l’articulation nécessaire

J. Demorgon : « Pour Jack Goody, une opposition trompeuse s’est installée dans les esprits entre un supposé dynamisme de l’Occident, et d’abord de l’Europe, et un prétendu statisme de l’Orient dont la Chine. Nombre d’Auteurs-Monde prestigieux ont contribué à cette vision : Vico, Montesquieu, Marx, Weber, Wittfogel, Élias et Braudel. Des auteurs chinois ont aussi pensé cela. « … Pour de jeunes intellectuels chinois, la Méditerranée symbolisait le contrepoint bleu du Fleuve Jaune. Six émissions télévisuelles, éblouissantes de beauté célébraient la majesté de ces deux lieux et enchantaient la Chine entière. « He Shang », (1988-1989 ; L’élégie du fleuve) met en présence ces deux immenses puissances naturelles et humaines : la massivité chinoise autour de l’immense et violent Fleuve Jaune et les vives dynamiques méditerranéennes  « est-ouest » et »nord-sud ». (L’homme antagonistep. 370)

Dans la 1ère partie de son ouvrage, Goody entreprend une relecture méthodique de Needham, Élias, Braudel. Dans la 2e, il étudie la prétendue progression historique ininterrompue qui propulserait l’Europe au sommet… Les grands auteurs dont Goody relit les œuvres (historiens, sociologues, économistes comme Polanyi) sont de merveilleux conteurs et l’histoire qu’ils racontent est bien ordonnée et grandiose… Dans une 3e et dernière partie, Goody montre que ces mêmes auteurs présentent aussi comme unique les institutions européennes…La perspective de construire une Histoire du Monde ne date pas d’aujourd’hui. Goody évoque Lewis Morgan (« une histoire du développement humains plus systématique et mieux documentée que celle de ses prédécesseurs, Vico et Montesquieu »).

Autres sources : J. Demorgon, Synergies Monde Méditerranéen n°4 – 2014 p. 161-168 : Le « secret » de l’humain ? Questions à Jacques Demorgon sur Goody, Cosandey et Jullien Nelly Carpentier, Caroline Dessenne 

L’histoire science du destin des humains 

Sources: J. Demorgon in La Révolution Prolétarienne n°799, 2017 :« Civilisations et barbaries »

6./ L’Europe, grandeur et décadence (Goody) in J.Demorgon : Civilisations et barbaries
Tragique printemps des présidentielles françaises La Révolution Prolétarienne, 2012En marge de cette querelle des civilisations, caractéristique d’un moment du printemps électoral français, deux philosophes amis, Jacky Dahomay et Luc Ferry, ont manifesté un vif désaccord. Le premier trouve invraisemblable l’appui apporté par le second à la thèse d’une supériorité civilisationnelle occidentale. Luc Ferry entend démontrer, rationnellement, que la civilisation occidentale a une supériorité incontestable : elle est la seule à véritablement promouvoir l’autonomie individuelle. 
L’anthropologue britannique, Jack Goody (2010) a consacré un gros ouvrage à dénoncer Le vol de l’histoire par l’Occident. Il traite précisément de cette question de l’individu et de sa liberté. D’abord, aujourd’hui, il observe cela sur le terrain des tribus africaines. Et il rappelle que des observations semblables étaient déjà faites par Ibn Khaldoun. Jean Baechler (1985), lui aussi dans un gros ouvrage, analyse toutes les formes de démocratie et consacre un chapitre à la démocratie communautaire tribale d’autrefois. 
Autre preuve, celle qu’apporte Emmanuel Todd (2011) en démontrant que la famille nucléaire – que l’on trouve en France et en Grande Bretagne – et qui accorde à l’individu une réelle liberté par rapport à sa parenté – est une persistance du plus lointain passé. Par la suite, quand se constituent les royaumes et les empires nomades ou sédentaires, les systèmes familiaux autoritaires s’imposent. Or, l’influence des sociétés autoritaires n’a pas atteint les extrémités de l’ouest européen, parce que l’Europe, on l’a fort bien dit, n’est que ce lointain « petit cap du continent asiatique ». C’est la raison pour laquelle les formes familiales originelles n’y ont pas été atteintes par les formes familiales produites en Chine, en Mongolie, en Russie. 
La civilisation européenne, par un hasard de la géohistoire, a donc été la bénéficiaire d’une autonomie individuelle d’origine tribale. Même si elle a pu la développer et la perfectionner ensuite, elle ne l’a pas inventée. 
Et même, à vrai dire, il s’agit d’une caractéristique humaine générale. Ce qui ne veut pas dire que les développements des sociétés ne pouvaient pas la mettre en cause, et la limiter à l’extrême comme dans le cas de l’esclavage. 
On pourra se référer à l’ouvrage de Jack Goody pour y trouver d’autres démonstrations semblables. C’est ainsi qu’il explicite le fonctionnement marchand, lui aussi très ancien, pour nuancer la thèse de Braudel d’un capitalisme spécifiquement occidental. Ce n’est pas à dire qu’il n’y a pas eu d’invention occidentale, ni à prétendre que l’Occident n’a pas largement dominé pendant quelques siècles. Jack Goody le reconnaît bien volontiers. 
Par ailleurs, Luc Ferry aurait dû mieux faire état des exacerbations perverses de l’individualisme d’aujourd’hui encouragé par une concurrence économique sans limite.
Avant cela, la liberté individuelle, insuffisamment compensée, avait déjà montré ses limites. Elle a eu sa part à l’origine des tragédies historiques successives de la Pologne. Enfin, en Europe, si elle a favorisé le développement des sciences et des techniques, elle s’est montrée bien négative quand les Européens n’ont pas su inventer le concert des Nations dont ils agitaient l’idée. L’incapacité de réguler l’autorité des royaumes et des empires avec la liberté des nations marchandes jette, finalement, l’Europe dans deux Guerres Mondiales, à tous égards monstrueuses. 

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Bibliographie 

  • Goody J. 2018 [1986] La logique de l’écriture. L’écrit et l’organisation de la société. A. Colin.
  •  Goody J. 2015 [2010]. (trad. de l’anglais par Fabienne Durand-Bogaert), Le vol de l’Histoire : Comment l’Europe a imposé le récit de son passé au reste du monde, Paris, Gallimard,  « NRF Essais », 496 p. 
  • Goody J. 2015. (trad. de l’anglais par Claire Maniez), Mythe, rite & oralité, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 202 p.
  • Goody J. 2007. (trad. de l’anglais par Claire Maniez), Pouvoirs et savoirs de l’écrit, Paris, La dispute, 269 p
  • Goody J. 2004. L’Islam en Europe. Histoire, échanges, conflits, La Découverte.
  •  Goody J. 2004. (trad. de l’anglais par Marianne Kennedy), Au-delà des murs, Paris, Éditions Parenthèses : MMSH, coll. « Parcours Méditerranéens », 249 p. 
  • Goody J. 2003. La Peur des représentations : l’ambivalence à l’égard des images, du théâtre, de la fiction, des reliques et de la sexualité, La Découverte.
  • Goody J. 2001. La Famille en Europe. Seuil.

Pour compléter cf : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jack_Goody#Livres_de_Jack_Goody

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