a./ A partir de ce sérieux méthodologique et théorique, Jacques Demorgon, à l’invitation et avec le concours d’Edmond-Marc Lipiansky, conduit cet ensemble d’exigences requises – perspectives, méthodes, approches – jusqu’à leur prise en compte régulière et fréquente dans les échanges interculturels des vies courantes conviviales ou professionnelles actuelles. Sans renoncer à cette vive implication dans le présent, J.D. obtient de l’éditeur, non sans difficulté, l’insertion d’informations sur l’interculturalité d’engendrement historique des grandes cultures européennes pour en faire comprendre le sens, l’évolution, les problèmes dépassés et les contradictions qui persistent.
b./ D’où un beau livre collectif : Guide de l’interculturel en formation paru en1999 avec, jamais réunis dans un même livre, 25 auteurs de diverses disciplines et de plusieurs nationalités.
c./ Citons : Martine Abdallah-Pretceille, Carmel Camilleri (1922-1997), Margalit Cohen-Émerique, Lucette Colin, Christine Condominas, Guy-Olivier Faure, Gunter Gebauer, Remi Hess, Hagen Kordes (1942-2014), Jean-René Ladmiral, Hans Merkens, Burkart-Müller (1939-2013), Marie-Claude Munoz, Hans Niklas (19..-2016), Dominique Picard, Louis Porcher (1940-2014), Gilles Verbunt (19..-2014), Christoph Wulf, Geneviève Zarate.
d./ Ce Guide, toujours actuellement lu aussi enligne, est doublement complémentaire. D’abord, de L’exploration interculturelle. Pour une pédagogie internationale(1989, 10 ans avant). Ensuite, de Complexité des cultures et de l’interculturel (1996, trois ans avant).
e./ Il les prolonge par l’association étendue et intense de situations expérientielles, de données théoriques fondamentales, d’apports pédagogiques et pratiques. Il les réfère à la genèse géo-historique de plusieurs cultures.
f./ Le Guide donnera lieu sept ans plus tard (2006) à un ouvrage en allemand (Kordès, Müller, Nicklas), aux éditions Campus : Interkulturell Denken und Handeln– qui reprend une part des textes du Guide et en propose d’autres, nouveaux, dans la même perspective multiple et ouverte.
g./ J. D. y développe moins des textes antérieurs que des textes produits en échanges réflexifs verbal et en écritures conjuguées avec Hagen Kordes de l’Université de Munster.
h./ Hagen Kordes avait publié d’importants écrits dans le Guide français et, lors d’un colloque international à Alger, fait une communication sur la « ternarisation » indispensable du binôme classique « identité, altérité » par l’introduction du 3e terme – médiateur, régulateur – « l’intérité ».
i./ La notion, tout à fait inemployée depuis sa suggestion par Couturat en 1905, est reprise par JD, vers 1990 et proposée au « collège invisible » de l’Ofaj. Rémi Hess la met en œuvre (1998, 2012) avec enthousiasme dans les domaines interpersonnels et groupaux. A. Mutuale observe que JD en use au plan des peuples et des sociétés.
j./ Notion voisine, « l’entre-deux » de Daniel Sibony. Mais aussi, l’«aida » japonais ou « l’entre » de Bin Kimura. François Jullien que JD a rencontré et dont il a été le dialoguant en 2017, a donné à l’« entre » un sens fort et précis à l’écart de l’interculturel.
k./ Claude Fintz a judicieusement réuni ces auteurs et d’autres dans le numéro 37 d’IRIS, revue universitaire grenobloise, sous le titre « L’Entre-deux et l’Imaginaire » (2016).
l./ L’intérité est la notion indispensable pour corriger le face à face si souvent meurtrier de l’identité et de l’altérité. Leur opposition absolue n’est en réalité qu’un programme d’anéantissement d’une identité par une autre. Il n’y avait au début – et il n’y a à l’arrivée – aucune véritable rencontre de l’autre.
m./ Dans La fin de l’occidentalisation du monde ? De l’unique au multiple, H. Panhuys, en fin de première partie consacre une longue note à « l’intérité » dont voici un large extrait : « La notion d’intérité est clairement explicitée par J. Demorgon dans son ouvrage précité sur L’histoire interculturelle des sociétés (Économica, 2002). S’appuyant sur les travaux de C.S. Pierce (Écrits sur le signe, Seuil, 1978),de D.R. Dufour (Les mystères de la trinité, Gallimard, 1990) et de R. Lourau (Implication-transduction, Économica, 1997), il la définit comme le tiers régulateur, pivot de toute médiation, entre l’identité et l’altérité… Or, c’est ce travail, jamais achevé, de l’intérité qui permet aux identités comme aux altérités, de se former, se déformer ou se transformer en nouvelles identités et altérités : toutes deux étant faites du même et de l’autre. Et ainsi de suite… Le métissage ne met donc pas un point final à un processus appelé à se poursuivre… » (cf. Demorgon, op. cit, en particulier chap. V et VI).