a./ Dans l’actualité, l’interculturel est généralement vécu et pensé comme « post » : après les cultures acquises pour remédier à tels ou tels chocs que suscitent leurs rencontres.
b./ Ce faisant, les acteurs de l’interculturel se procurent une rente de situation fondée sur l’évidence supposée qu’ils interviennent nécessairement pour améliorer les coopérations et les communications culturelles. Même s’ils n’y réussissent pas toujours, ils tiennent pour acquis la qualité de leurs intentions et des projets qu’ils mettent en œuvre et ils jugent naturel de bénéficier d’une aura positive.
c./ C’était tout à fait l’esprit éclairé d’un livre bien connu « Au jardin des malentendus » de Robert Picht (1937-2008), directeur de l’Institut franco-allemand de Ludwigsburg (1972-2002).
d./ En 2003, à Ludwigsburg, au Colloque international du 40e anniversaire du Traité de l’Élysée, Robert Picht est invité par son successeur Frank Baasner. Lors d’échanges privés, il déplore que le Collège Européen de Bruges où il enseigne, serve surtout à « former de futurs lobbyistes ».
e./ Le monde, à commencer par l’Europe, n’est pas seulement un « jardin de malentendus » interculturels secondaires mais un champ de rivalités féroces assumées. L’interculturel résulte aussi des intérêts culturels opposés qui constituent une large part du réel social et sociétal.
f./ Un tel interculturel factuel, bel et bien réel, produit aussi bien la culture du lobbying que celle du camouflage industriel et commercial des résultats techniques nocifs.
g./ Il est indispensable de mettre un terme à cette si fréquente idéalisation d’un interculturel bien-pensant, si courant.
h./ Il a déclenché contre lui une hostilité violente et durable. Il faut le reconnaître, cette idéalisation fait de l’interculturel un leurre en lui accordant plus de solutions qu’il ne peut en produire. Ce n’est pas parce qu’un certain traitement des cultures résout tels problèmes qu’il n’est pas à des centaines de lieues d’en résoudre d’autres qui divisent davantage et de longtemps les humains.
i./ Il occupe ainsi la place du souci de l’après actuel et ponctuel des cultures. Il ne se préoccupe pas de la création interculturelle antérieure elle-même. C’est elle qui a inventé ces cultures à problème et continue de le faire. Cet interculturel « ante » moteur de l’histoire est délaissé par l’interculturel idéalisé.